Couleur de la Vacuité | Concert Musicatreize (Critique/Review)

Yin & Yang acoustique

• 10 novembre 2012 •

 - Zibeline

Lors de la dernière soirée d’inauguration de la nouvelle salle Musicatreize au 53 rue Grignan, le 10 novembre, l’ensemble vocal dirigé par Roland Hayrabedian a livré en première partie, des « classiques » de son répertoire.

Swan Song de Maurice Ohana (musicien particulièrement choyé par Musicatreize qui commémore en 2012 les 20 ans de sa mort, et célèbrera en 2013 le centenaire de sa naissance) est une espèce de« requiem ironique». Les effets de voix, entrées imitant des cloches, des accord verticaux classico–dissonants, longs et alanguis, la prosodie syllabique ou les vibrations d’une espèce de wah-wah orale s’articulent comme un puzzle sur fond de folklore réinventé. Un bel art vocal où s’immisce Kaoli Isshiki, sopranisant un « cante jondo » plaintif recyclé à la plume de Félix Ibarrondo : c’est Urrundik ! La guitare de Pablo Marquez l’accompagne au rythme d’accords immuables, une pâte obsessionnelle qui, à l’occasion, dessine un contrepoint avec la chanteuse, et tente, par vagues, de l’aigu au grave, une illusoire alchimie de gammes…

Cependant, l’intérêt principal du concert (enregistré par France Musique) résidait dans la création mondiale d’un opus de Ton That Tiêt. Le Vietnamien a franchi la barrière qui sépare le « grand public » de la musique contemporaine grâce à une partition illustrant les images d’un film qui a connu son heure de gloire en 1993 : L’odeur de la papaye verte. Sa dernière oeuvre explore La couleur de la vacuité.  Sur une couche pointilliste, la texture sonore du musicien ne s’impose pas : on doit lui tendre l’oreille… comme on tend une main ! Un orchestre de chambre dépose ses sonorités aux pieds de la concorde vocale, colore l’espace de carillons métalliques ou boisés, trames de vents et trilles suspendus qui suggèrent un voyage oriental… Des fanfares bégayantes s’articulent autour de notes polaires : on s’y accroche au fil d’un continuum acoustique ténu, en nuances pastel, sans vrai silence, alors que le sujet nous guide vers Lao Tseu, dresse des ponts entre le « plein » et le « vide » d’un Yin & Yang sans cesse sillonné…

JACQUES FRESCHEL

Novembre 2012

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